Un rêve insipide peut-il être intéressant ?
Certains rêves semblent insipides... Rien de saillant ne les distingue, rien de coloré ne les fait remarquer, rien de profond ne les fonde, rien d'exceptionnel ne les fait sortir du lot. Ils sont banals, pareils à des millions d'autres rêves anonymes auxquels ils ressemblent comme une goutte d'eau à une autre goutte d'eau, comme un moineau à un autre moineau, comme un grain de poussière à un autre grain de poussière.
Pourquoi les retenir, pense-t'on ? Et, si on a fait un tel rêve insipîde lors de la Nuit des Rêves, pourquoi l'envoyer dans le grand Cahier de Tous les Rêves ? Leur banalité donne, plutôt, l'envie de les chiffonner en les balançant dans le grand panier sans fond de l'oubli.
Et pourtant... L'un des intérêts majeurs d'une démarche partagée tient dans la confrontation mutuelle et générale des rêves. Dans cette perspective, si chaque rêve est une totalité, cette totalité - le rêve de chacun - est aussi pièce d'un puzzle qui affleure à la lecture générale. Des correspondances se révèlent et s'éclairent mutuellement. Le brouhaha des rêves de tous contient, souvent, plusieurs perspectives. Certaines impulsions, certaines images semblent franchir la barrière du rêve "personnel". D'autres impulsions, d'autres images viennent aux rêveurs comme d'une fresque unique dont certains recueilleraient des fragments, et d'autres des échos.
Au bout du compte, un rêve n'est insipide que vu sous l'angle d'un jugement borné par l'individu. Considéré à partir d'un point de vision plus large, plus intégrateur, plus révélateur, le même rêve devient la pièce irremplaçable d'une sorte de puzzle polyvalent qui le dépasse et peut le justifier.
CONCLUSION : Même si votre rêve vous semble banal, envoyez-le, ici, sur le Cahier des Rêves. (A condition, bien sûr, que vous vous soyez reliés aux célébrations des Rêves, des Reines et de la Nuit, le 7 au soir, et que votre rêve provienne de cette nuit-là). La banalité apparente d'un rêve peut être précieuse pour d'autres rêveurs.
C'est ainsi l'enseignement que je tirai d'une histoire vraie.
Cette histoire, la voici.
Elle est partie d'une proposition que je fis à un petit groupe amical et spontané (tous plus ou moins en recherche et reliés ensemble, au moins par certains éléments de nos quêtes). Je proposai de sélectionner quelques dates, en fonction de positions lunaires propices à ce que nous voulions, et, que, à ces dates, nous tentions d'obtenir un rêve sur telle ou telle thématique.
A la première nuit, j'eus, moi-même, un rêve apparemment tout à fait banal. L'imagerie onirique était courante. Je me trouvais mêlé à une histoire sans relief, dans une ville étrangère qui était nommée. Je notai ce rêve et joignai mes complices. Trois d'entre eux avaient eu un rêve, mais ils durent se faire prier pour me le raconter. Chacun le jugeait sans intérêt ni signification particulière. Chacun avait vécu un épisode onirique tout à fait anodin, mais, pour chacun, il se déroulait dans une ville étrangère dont le nom était donné. Nos quatre rêves pointaient quatre villes lointaines !
On chercha, sur une carte du monde, le point de symétrie de ces quatre lieux. Surprise illuminante : il tombait sur un tout petit village - égyptien, je crois - dont le nom était Kabalah, la Kabbale . . .
Chacun à la fois entier, complet, autonome et, cependant, fragment d'une symphonie plus grande...